LA CHAUX ... POURQUOI ?
Un peu d'histoire tout d'abord sur les liants principaux utilisés dans la construction de nos habitations et autres édifices.
Le plâtre est obtenu à partir du Gypse, une roche que l'on calcine à 120°C. La poudre obtenue, mélangée à l'eau et éventuellement au sable, permet d'obtenir un mortier maléable, faisant sa prise rapidement, utilisable dans de nombreuses situations.
La chaux (hydraulique et aérienne) est issue du Calcaire, lui aussi calciné, à une température d'environ 1000°C. On obtient par ce processus de la chaux vive, corrosive et dangereuse à l'utilisation. L'ajout d'une certaine quantité d'eau permet d'éteindre la chaux, tout en la gardant sous sa forme poudreuse, celle que nous retrouvons aujourd'hui en sacs. Mélangée à l'eau et au sable, elle constitue le mortier que j'utilise quotidiennement.
Nous retrouvons des traces de ces deux matériaux en l'Égypte, dès 2600 avant J.C, ou ils étaient utilisés en mortier de maçonnerie, parfois même mélangés (plâtre et chaux aérienne) pour la confection des enduits et peintures murales. Ils ont été les principaux liants des mortiers, avec la terre, des bâtisseurs de la Grèce Antique, de l'Empire romain et des nombreuses générations de maçons qui se sont succédés durant notre histoire jusqu'à aujourd'hui.
Le ciment, dit "Ciment Portland", est apparu en Angleterre au milieu du XIXème siècle. Il est la combinaison de Clinker (mélange de sulfates et silicates de calcuim), métaux lourds, fer et Calcaire pour le principal .... et de toutes sortes d'adjuvants, selon l'utilisation que l'on veut en faire.
Hormis les ouvrages en béton armé, son utilisation dans l'habitat, s'est véritablement développé avec la généralisation du parpaing dans les années 1960/1970. Durant les "Trente Glorieuses", les habitations en pierre ont été maçonnées à la chaux, même si elles se sont vues hélàs très rapidement recouvertes d'un enduit ou d'un rejointoiement au ciment.
Que les sceptiques de la solidité des bâtiments construits à la chaux soient donc rassurés. Le Palais de Versailles, La Cathédrale Notre Dame de Paris, Le Colisée de Rome, Le Pont du Gard et des centaines d'autres monuments, la chapelle "du coin", la fontaine découverte au hasard d'une balade pédestre, les pentys, les longères, votre propre habitat, ont été édifiés avec des pierres, des briques, du mortier de chaux, de la terre et, s'ils ont été régulièrement et convenablement entretenus, ont traversé les siècles plus aisément que les pavillons contemporains au ciment ne traversent les années.
L'utilisation généralisée et non réfléchie du ciment dans les restaurations et rénovations de nos habitats anciens peut être très dommageable, et pas seulement d'un point de vue esthétique. Le ciment est un liant hermétique, les maçonneries en pierre ont besoin de "respirer" parce qu'elles sont constituées de matériaux naturels.
Effectuer des reprises de maçonneries, enduire, jointoyer au ciment des murs en pierres aura pour effets :
- de les priver de l'air dont ils ont besoin
- d'emprisonner, accumuler l'eau issu des remontées capilaires et provoquer une humidité excessive dans l'habitat, des décollements d'enduit, l'apparition de salpètre
- de priver totalement d'humidité une maçonnerie, ayant pour résultat, si elle est hourdée à la terre de la réduire en poussière et provoquer des désordres structurels importants.
De ces quelques réflexions, certains vous répondront "Balivernes" et vous vanteront les mérites de leurs produits "High tech".
Pourtant, ces critiques envers l'utilisation du ciment dans le bâti ancien, sont le fruit de constats et d'analyses de nombreuses années de travail sur les chantiers, au coeur même parfois des maçonneries.
Bien d'autres professionnels de la restauration, tous corps de métiers confondus, ont également fait, et depuis bien longtemps, ces mêmes constats et émettent les mêmes réserves sur l'utilisation systématique des produits de construction modernes dans les habitats anciens. Sâchez les écouter.
Quelques exemples de pathologies liés à l'utilisation du ciment rencontrés sur les chantiers.
Piquage d'un enduit plâtre sur une maçonnerie en briquettes. En partie basse du mur, un dégrossi au ciment avait été fait sous l'enduit plâtre (photo de droite)


Joints au ciment sur maçonneries pierres et briquettes, avec le phénomène d'arrachement du support


